CORRUPTION
La corruption est étroitement liée à la politique, car inséparable de l’art de gouverner ; elle en est l’un des moyens. Aussi est-elle de tous les temps. La lutte pour conquérir et conserver le pouvoir, au nom de l’Idéal, requiert tous les procédés possibles et justifie toutes les manœuvres, même les moins délicates. Il ne manque pas d’exemple où un dirigeant expéditif commandita l’assassinat d’un adversaire ! Acheter une conscience est beaucoup moins grave qu’ordonner un crime. Et s’apparente à un acte commercial. On veut obtenir un service, on paie.
Quand un ministre se propose d’entrer dans le secret de son souverain, quoi de plus logique que de l’obtenir de la confidente la plus intime ? Il suffit de la soudoyer ; rien de plus évident et de plus simple : on règle l’affaire, moyennant finance. Et, contre une bonne poignée d’écus, la favorite informe son commanditaire. On veut obtenir un service, on paie.
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De nos jours, les puissances industrielles internationales, aux moyens financiers démesurés, n’achètent pas les favorites royales ; elles ont d’autres champs d’influence. Les « lobbies », comme on les appelle si souvent, tiennent la plupart des organes de presse par la publicité ; dès que le journal se risque à critiquer quelque entreprise capitaliste, les agences se retirent ; et ruinent l’imprudente gazette.
Les lobbies achètent, trop souvent, les uns après les autres, les membres des instituts scientifiques dont la mission est de contrôler la qualité et l’innocuité des produits mis sur le marché, y compris les médicaments ! Les scandales sont parfois révélés et dénoncés ; mais, dans la presse, il faut les découvrir, par hasard, accommodés de façon plutôt discrète, le plus souvent en une seule phrase, au beau milieu d’un article.
Une pudeur révélatrice. On pourrait s’attendre que la presse dénonce tous les cas de corruption dont elle est informée ; il n’en est rien ; certes, elle ne peut cacher le plus gros et le plus visible ; il serait difficile de taire le scandale du glyphosate.
Mais il en est beaucoup (nous dirons même la plupart), que le lecteur découvre, s’il est attentif, en page 16, au milieu d’un article qui traite de toute autre chose. Il faut lire plus d’une trentaine de lignes, avant d’apprendre que « X. a corrompu Y. » Une telle information, la seule significative, devrait figurer à la « une » du titre ; le reste, qui détaille des faits ordinaires, est glose inutile.
Du moins à ma connaissance, nul journaliste n’a eu l’idée de dresser une liste systématiquement exhaustive de ces gigantesques malhonnêtetés. Une telle liste serait édifiante !
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