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CULTURE

CULTURE

En France, l’idée de culture est marquée par le souvenir des enseignements médiévaux.

Comme si l’École avait pour mission, encore de nos jours, de former un moine ou un évêque.

La théologie a conservé un immense prestige ; latin et grec sont enseignés ; en revanche, mathématiques et sciences exactes sont sous-évaluées et le plus souvent méconnues.

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D’un expert en médecine, ou d’un grand juriste, on dit volontiers qu’il est cultivé, mais c’est confondre culture et monoculture. Ces spécialistes se révèlent trop souvent nuls hors de leur domaine. Tel urbaniste ignore l’architecture ancienne et la détruit sans honte. Tel savant pénaliste ne connaît rien à la psychologie ; l’un et l’autre sont paralysés devant une difficulté que règle un peu de sciences physiques…

Que de connaissances absurdes acquises à l’École et accumulées sans nul profit. Car elles sont totalement nulles.

Ce sont des survivances de l’enseignement traditionnel.

A quoi sert-il intellectuellement de savoir que les noms latins des arbres sont du genre féminin ? De quoi vanter une forte mémoire ; et quoi de plus ?

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Combien de lettrés se vantent de connaître la date de la bataille de Quadesh et de tout ignorer des sciences !

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Que de temps perdu à tenter de retenir les bizarreries des conjugaisons grecques ! Est-il si glorieux de se charger la mémoire et de montrer qu’elle est excellente, au lieu de lire Sophocle et Euripide en traduction ?

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Le choix de ces matières scolaires est un marqueur identitaire qui sert surtout à distinguer les classes sociales.

Latin-Grec signifie « appartenance à la bourgeoisie libérale ».

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L’Ecole récompense les fortes mémoires, au lieu de leur apprendre à raisonner. MONTAIGNE moquait les « ânes chargés de livres ».

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Que de polémistes brandissent un argument banal, persuadés que vous n’en avez jamais entendu parler ;

comme s’ils vous supposaient plus inculte qu’eux.

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Le ministère de la Culture fut créé, en principe, pour compenser l’effet économique des visées purement mercantiles qu’ont le plus souvent les commerçants spécialisés, galeries de peinture, en tête. En principe. En réalité : échec complet !

Le malheur est que, dans notre pays, des hommes politiques incultes soient chargés de nommer les fonctionnaires responsables du secteur ; faute de s’y connaître, et souvent par manque d’intérêt pour l’art, les décideurs ainsi désignés s’en remettent négligemment au choix des célébrités que vantent les médias, sans comprendre qu’au moins dans ce domaine les actions publicitaires sont entre les mains d’une puissance financière considérable, la Mafia de l’art contemporain. (Il arrive en plus que le ministre lui-même en soit un des membres.) Tout renforce l’aspect commercial, qu’il s’agissait d’affaiblir.

Le ministère fonctionne à l’inverse de sa mission.

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La télévision (TV) est adaptée au public de masse. Mais l’habitude du petit écran a tellement influencé la petite et même la moyenne bourgeoisie, qu’elles ont fini par adopter bien des modes et usages du peuple, alors qu’elles tenaient, naguère encore, à s’en distinguer le plus possible ; dans la rue, vous ne pas savoir si passe un bourgeois ou un ouvrier, car ils sont semblablement habillés d’un jean, ne portent pas de cravate et sont chaussés de tennis. Vous devinez la classe à deux différences : un bourgeois n’a pas d’anneau à l’oreille et n’est pas tatoué… Enfin, pour l’instant.

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Nommé administrateur à la Commission des Affaires culturelles du Sénat, je m’étonnai d’y voir figurer l’ensemble des présidents de groupe politique, à l’exception du socialiste. Je compris assez vite que cette étrangeté n’était pas à la gloire des parlementaire s; et que la Culture était le moindre de leur souci.

Lorsqu’ils indiquaient à leur groupe, celle des six commissions, où ils souhaitaient être affectés, aucun sénateur ne désignait celle de la Culture ; les moins influents étaient contraints d’accepter d’y aller, ainsi que les présidents de groupe, qui, par courtoisie,

se prononçaient en dernier et se contentaient des restes.

En revanche, promu plus tard chef du secrétariat, je découvris l’avantage de connaître tous ces présidents de groupe, car il m’était facile de les faire s’accorder à propos des difficultés embarrassantes de la commission, telles par exemple que les nominations de rapporteurs.

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La crédulité est parente de l’inculture ; il est aisé de faire croire n’importe quoi à qui ne sait pas grand-chose.

 

La culture sert aussi à se garder de l’imposture. On SAIT. Donc on se méfie ; on reconnaît impasses, échecs, impostures…

On repère un truquage, pour l’avoir déjà vu dix fois.

En conséquence, on trie les opinions et les actes.

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Les polémistes qui ne cessent d’exalter bruyamment l’identité de la France, en mettant en avant la part constitutive ou contributive de sa culture, feraient bien d’abord de savoir de quoi il s’agit, au lieu de se borner à en parler.

Cette posture de façade me rappelle un petit épisode significatif : avant de monter à la tribune, un sénateur prend la précaution de me donner le texte d’un discours, dont le thème est la défense de la langue français : hélas, déjà la première phrase est fautive : « De nos jours, on ne sait plus parler EN français. »

Je préviens discrètement l’orateur, en feignant de croire que la dactylo a mal compris la dictée.

Mais je vois bien, à l’étonnement du parlementaire, que je lui apprends le « bon » usage.

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Je compare la Culture à une gigantesque armoire, qui renferme tout le savoir du monde. Le fort d’un homme cultivé n’est pas de posséder en détail le contenu de chaque tiroir, mais d’avoir une idée de leur ensemble ;

et surtout un soupçon éclairé de ce qu’il pourrait découvrir dans la plupart de ces réserves d’archives.

Il connaît déjà beaucoup, mais en plus il sait où chercher ce qui lui manque, quand il en a besoin.

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