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Par Catherine Weil-Olivier, Professeur honoraire de PĂ©diatrie, UniversitĂ© Paris 7 – Le 6 mai 2020


Dr. A. Fauci, directeur de l’Institut national des allergies et maladies infectieuses, USA: “When you’re dealing with an emerging infectious diseases outbreak, you are always behind where you think you are if you think that today reflects where you really are.” 

Le virus et ce que l’on connait de sa réponse immunitaire

Le Sars-CoV-2 surprend un peu par les mécanismes de réponse de l’hôte. La réponse immunitaire comporte une réponse cellulaire et la fabrication d’anticorps.

  • Cette rĂ©ponse est certaine. Grâce Ă  elle, la grande majoritĂ© des patients (de l’ordre de 85%) des patients malades diagnostiquĂ©s, par RT-PCR, Covid 19 positifs guĂ©rissent spontanĂ©ment en quelques jours. Un excès de cette rĂ©ponse (avec orage cytokinique de survenue dĂ©calĂ©e, Ă  partir du 7e jour d’apparition des symptĂ´mes) est Ă  l’origine de l’aggravation clinique, prĂ©cipitant le dĂ©cès de certains patients.
  • Cette rĂ©ponse est-elle protectrice ? Il semble que oui : aucune rechute clinique n’a Ă©tĂ© publiĂ©e Ă  ce jour chez des sujets ayant fait la maladie (les rares tests RT-PCR positifs après guĂ©rison et sans symptĂ´mes semblent liĂ©s Ă  des virus « non viables »). La sĂ©rologie des malades symptomatiques confirme que pratiquement tous possèdent des anticorps neutralisants circulants (ce sont les anticorps protecteurs). D’ailleurs, quelques Ă©quipes utilisent chez certains patients la sĂ©rothĂ©rapie issue de patients guĂ©ris (publications semblant confirmer le caractère protecteur de ces anticorps neutralisants). De mĂŞme, les modèles expĂ©rimentaux avec les macaques, guĂ©rissent par rĂ©action immunitaire après avoir Ă©tĂ© exposĂ©s une première fois au Covid avec une maladie similaire Ă  celle de l’homme. Lorsqu’ils sont plus tard rĂ©exposĂ©s (plusieurs semaines après) Ă  de fortes quantitĂ©s de virus, ils ne refont pas la maladie.
  • Quel est le seuil protecteur de ces anticorps neutralisants ? La question se pose notamment pour les infectĂ©s Covid19 pauci- ou asymptomatiques : quel niveau de rĂ©ponse chez ces porteurs sains transitoires ? ils semblent avoir des taux d’anticorps plus faibles et retardĂ©s dans le temps.
  • Cette rĂ©ponse est-elle durable ? C’est une incertitude actuelle par manque de recul.

Le caractère protecteur de la réponse immunitaire après maladie (et post-infection ?) est le rationnel fondamental sous-tendant la fabrication d’un vaccin.

L’objectif de toute vaccination (prévention primaire) : l’injection chez un sujet du vaccin doit pouvoir provoquer une réponse immunitaire dont il gardera la mémoire ce qui le protègera de la maladie…tout en étant bien toléré par l’organisme.

Les projets internationaux en cours

Plus d’une centaine de projets sont lancĂ©s dans le monde (108 projets recensĂ©s par l’OMS Ă  ce jour) reposant sur de multiples technologies : protĂ©ines recombinantes, virus inactivĂ©, vecteurs viraux (insertion d’une partie de l’ADN du nouveau coronavirus), vaccin Ă  ARN ou ADN. Chaque Ă©quipe de recherche tente d’adapter au virus Covid 19 la technologie qu’il connaĂ®t le mieux.

Parmi ces projets, huit sont plus avancés, étant entrés dans une phase d’essais cliniques, notamment en Chine, au Royaume-Uni et en Allemagne.

  • Au Royaume-Uni, la Britannique Sarah Gilbert, professeure Ă  l’UniversitĂ© d’Oxford et Ă  la tĂŞte de la biotech Vaccitech :« il y a de bonnes chances pour que ça marche. Le succès Ă  l’automne est possible si tout va Ă  la perfection ».
  • En Chine, les chercheurs ont dĂ©jĂ  injectĂ© des «candidats vaccins» sur l’homme Ă  100 volontaires Ă  Wuhan, l’Ă©picentre de l’Ă©pidĂ©mie dans le pays. Il s’agit de vaccins dits recombinants, en espĂ©rant que cela dope la rĂ©ponse immunitaire de l’organisme ».
  • Ces deux Ă©quipes indĂ©pendantes, en Chine et en Grande-Bretagne, ont testĂ© avec succès leurs vaccins sur des singes, rĂ©ussissant Ă  les protĂ©ger contre l’infection ; les premiers essais sur l’homme ont commencĂ©. A ce jour, huit candidats sont entrĂ©s dans leur phase clinique, c’est-Ă -dire qui ont commencĂ© Ă  ĂŞtre injectĂ©s Ă  l’homme pour faire la preuve de leur innocuitĂ©.
  • Du cĂ´tĂ© français, 30 projets de vaccins Covid-19 sont recensĂ©s pour Camille Locht, directeur de recherche Inserm Ă  l’Institut Pasteur de Lille. Il y a un peu moins d’optimisme de la part de Morgane Bomsel, chercheuse du CNRS Ă  l’Institut Cochin, pour des raisons financières.
  • L’Institut Pasteur a un candidat vaccin avancĂ©. Il s’agit du vaccin rougeole modifiĂ©. Des essais chez l’homme vont commencer cet Ă©tĂ©. Le vaccin contre la rougeole, bien connu, est très efficace et prĂ©sente peu d’effets secondaires. Les travaux consistent Ă  modifier son gĂ©nome, pour qu’il produise une protĂ©ine de coronavirus, et permette de nous en protĂ©ger. Pour l’instant, cette stratĂ©gie est Ă©valuĂ©e sur l’animal, avant de passer chez l’homme. « Cette approche (vaccin rougeole modifiĂ©), a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© utilisĂ©e pour un vaccin contre le Chikungunya, qui est Ă  un Ă©tat de dĂ©veloppement très avancĂ©. D’autres pistes reposent sur des lentivirus, des virus de la famille du VIH, attĂ©nuĂ©s, qui pourraient eux aussi exprimer des protĂ©ines du coronavirus.
  • Du cĂ´tĂ© des grands laboratoires pharmaceutiques, le gĂ©ant français Sanofi a nouĂ© un partenariat avec son homologue britannique GSK afin de faire un vaccin qui pourrait ĂŞtre disponible au deuxième semestre 2021.

Des réserves sont nécessaires à ce jour

  • Le chemin de la dĂ©couverte est semĂ© d’embĂ»ches. Quelle piste est la plus prometteuse ? « Très difficile de se prononcer Ă  ce stade » (MĂ©lanie Saville, directrice du dĂ©veloppement des vaccins au Cepi – Coalition pour les innovations en matière de prĂ©paration aux Ă©pidĂ©mies, ONG qui coordonne et finance les efforts internationaux sur les vaccins). Selon les donnĂ©es de l’industrie « en matière de vaccins, seulement 10% des projets au stade prĂ©clinique aboutissent ».
  • On ne sait pas encore aujourd’hui ce qu’il faut pour faire un vaccin efficace contre le Covid-19. Il faut donc poursuivre toutes les pistes jusqu’à ce qu’elles Ă©chouent, en espĂ©rant que l’une d’entre elles arrive au bout ». (Marie-Paule Kieny, virologue et vaccinologiste, membre du ComitĂ© analyse, recherche et expertise – Care). Nous pouvons espĂ©rer des rĂ©sultats positifs au premier semestre 2021. Morgane Bomsel (Institut Cochin, CNRS), elle, prĂ©cise aussi qu’« on ne connaĂ®t pas encore la stratĂ©gie qui fonctionnera. Mais dans tous les cas, on doit tenir compte de trois Ă©lĂ©ments, qui composent un vaccin : l’antigène (contre lequel se produit la rĂ©ponse immunitaire), le vecteur vaccinal (devant transporter cet antigène au bon endroit) et un adjuvant (Ă©ventuel) destinĂ© Ă  doper la rĂ©ponse immunitaire ».
  • La tâche est complexe et ardue de la recherche Ă  la mise sur le marchĂ©. La conception d’un vaccin comporte plusieurs Ă©tapes, qui prennent habituellement plusieurs annĂ©es. Ce dĂ©lai pourrait ĂŞtre nĂ©anmoins raccourci grâce Ă  l’extraordinaire mobilisation scientifique mondiale actuelle.

Les enjeux sont multiples et sont tous importants : la recherche et le développement (R&D), l’aspect financier, les logistiques de production et de distribution : les uns ne peuvent aller sans les autres !

  • Il s’agit d’une course mondiale. L’enjeu est Ă©norme avec 7 milliards de personnes sur terre.
  • Effort considĂ©rable et solidaritĂ© internationale de la communautĂ© scientifique. On amasse beaucoup d’informations en ce moment. De la recherche Ă  la fabrication, l’obtention d’un vaccin est un processus jalonnĂ© de nombreuses Ă©tapes bien codifiĂ©es, qui, en temps normal, s’étendent sur plusieurs annĂ©es.

Il faut, bien sĂ»r, s’assurer de l’innocuitĂ©, et ensuite de l’efficacitĂ© de la rĂ©ponse immunitaire. Certains parlent effectivement de l’automne 2020. Concernant les dĂ©veloppements chez Pasteur, il est plus raisonnable de miser sur 2021.

  • Investissements financiers majeurs nĂ©cessitent un partenariat public / privĂ©. Les besoins financiers pour financer la R&D sont considĂ©rables (de tout temps !).
  • La fondation M&B Gates vient d’annoncer qu’elle consacrerait 150 millions de dollars (138 millions d’euros) Ă  la recherche d’un vaccin.
  • La Commission europĂ©enne, de son cĂ´tĂ©, a organisĂ© une levĂ©e de fonds internationale reposant sur des donateurs. Au 05 mai 2020, un montant « astronomique » de plusieurs milliards a Ă©tĂ© allouĂ© au Covid19 dont environ un quart pour la R&D en matière de vaccins.
  • Logistique de production et de distribution

« Nous devrons vacciner presque tout le monde » (Mark Suzman, directeur général de la Fondation Bill et Melinda Gates).  Avec une question essentielle : à qui seront adressés les premiers lots en cas du succès ?

  • Les dĂ©lais d’enregistrement dans les agences amĂ©ricaine (FDA) et europĂ©enne (EMA) pourraient ĂŞtre probablement raccourcis par rapport aux dĂ©lais habituels des vaccins Christophe d’Enfert, directeur scientifique de l’Institut Pasteur, indique que «si nous pouvons espĂ©rer des rĂ©sultats positifs au premier semestre 2021, on doit ensuite pouvoir le mettre sur le marchĂ©. Cela rend les prĂ©visions impossibles. Les scientifiques s’accordent pour dire qu’il faudra 12 Ă  18 voire 24 mois dans le meilleur des cas pour disposer d’un vaccin.
  • Un vaccin anti-Covid19 aura-t-il la capacitĂ© d’enrayer la pandĂ©mie actuelle ? A l’évidence, il arrivera après la première vague actuelle. La pĂ©riode imminente de dĂ©confinement dans une très grande majoritĂ© de pays devra ĂŞtre analysĂ©e avec soin afin de dĂ©terminer l’évolution ultĂ©rieure (circulation, atteinte clinique…) du mouvement Ă©pidĂ©mique (pandĂ©mique). Ceci pendant plusieurs mois (voire annĂ©es ?).
  • Les mesures barrière et de distanciation sociale actuelles sont donc Ă  poursuivre avec vigilance et sĂ©rieux.

Daniel Floret : https://www.mesvaccins.net/web/news/15315-covid-19-un-vaccin-va-t-il-nous-sortir-d-affaire mis à jour le 14 avril 2020