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Par Philippe MARTIAL

LE MONDE, daté du samedi 24 avril, consacre la moitié de sa page 27 à un article de Guy COLLET et Gérard VINCENT, intitulé « A l’hôpital, il faut sortir du débat mortifère public-privé. »

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Ce journal ne pouvait manquer de publier ces pages, compte tenu de la notoriété des auteurs, et surtout de l’intérêt que présente la teneur de leurs propositions.

L’ignare que je suis s’est jeté sur l’article pour apprendre quelque chose. Au début, la réaction ne fut pas favorable. Ayant vécu soixante-quinze ans auprès de la classe politique et travaillé pour elle durant quatre décennies. Je ne suis que trop sensible à certaine rhétorique des propagandes. J’eus l’impression fâcheuse d’en reconnaître quelques formules connues. A commencer par la leçon initiale « Il faut sortir d’un débat mortifère… » Et puis « il ne s’agit pas aujourd’hui d’en chercher les causes et les responsabilités. » Qu’il ne faille pas s’attarder sur le passé suggérait forcément qu’il convenait avant tout d’exonérer les autorités sanitaires de leur errements fauteurs de la catastrophe actuelle. Était-il indispensable de faire allusion à ce thème, pour aussitôt l’écarter ? Et d’oublier l’obsession maniaque de l’austérité budgétaire et la suppression de vingt mille lits dans les hôpitaux publics.

Et puis, était-il indispensable de dénoncer le rôle néfaste des corporatismes et des syndicats qui protègent « ceux qui n’ont pas envie que le système fonctionne et qui contestent tout en permanence. »

Toutefois, j’arrivais à la partie positive ; celle qui dit ce qu’il faut faire. Là encore, je dus vaincre d’abord une méfiance tenace, contractée depuis décennies à l’encontre des chantres angéliques du néo-libéralisme de M. Milton FRIEDMAN et de l’école de Chicago, lesquels exaltent la supériorité totale de l’entreprise privée sur le service public. La vertu d’un côté, les vices de l’autre.

Or, depuis deux mois, l’expérience montre au contraire, et de façon spectaculaire, qu’au malheur public seul sait répondre le service public ; et non pas le miraculeux « Tout-marché autorégulé ».

Ayant pris conseil auprès de médecins compétent et informés, je fus par eux persuadé que le Gouvernement aurait le plus grand intérêt à examiner de très près les propositions avancées par les deux analystes.

D’abord, la mise en œuvre d’un régime réformé « doit être décentralisée et confiée aux régions. » Voilà un point on ne peut plus clair et net ! L’ignorer, pour des raisons par exemple politiques, serait désastreux ; il faut souhaiter qu’il soit étudié dans tous ses aspects et la conclusion appliquée de bout en bout, sans tergiverser, quand bien même elle déplairait aux partisans de la routine.

Nos deux auteurs n’auraient fait que cette précieuse recommandation sur le rôle de la région qu’ils nous auraient déjà rendu un grand service.

Bien qu’il ne m’appartienne pas de me prononcer, je me demande même si la phase préalable d’examen du futur régime, avant sa mise en œuvre, ne devrait pas se dérouler dans chaque région ou en association étroite avec elles ; pourquoi ? Cette (timide) suggestion s’élève contre la manie française de tout faire remonter au sommet de l’Etat, une tradition jamais révolue que nous tenons des temps les plus anciens. De cela, je suis sûr, car un peu d’enseignement à l’E.NA me fit découvrir que nos futurs hauts fonctionnaires avaient dans la tête (et bien incrusté) le schéma pyramidal de l’Eglise catholique. Tout doit partir du faîte de la hiérarchie. Sûrement approprié pour la conduite de la guerre, ce système ne l’est pas pour la plupart des activités, dont l’exercice de la médecine. En outre, s’il est un échelon de dimension pertinente pour examiner et remettre à plat, les similitudes, les différences les statuts, les pratiques, ce qu’il faut réduire, ce qu’il faut renforcer… bref pour organiser et ordonner, c’est plutôt celui de la région. Elle est un lieu idéal pour rationaliser.

Autre point jugé capital : le service de santé doit inclure tous les professionnels, qu’ils travaillent en institution ou à titre libéral. Le système doit être solidaire, un cadre contractuel fixant les missions assignées à chacun, par le régulateur régional. « Le financement doit être mixte, forfaitaire pour la mission et à l’activité, pour rémunérer l’engagement des professionnels. »

Une autre proposition primordiale : pour améliorer le fonctionnement des hôpitaux publics, il faut nécessairement s’inspirer du statut des hôpitaux privés sans but lucratif.  Leur modèle « apparaît aujourd’hui, même s’il n’est pas parfait, comme celui qui répond le mieux aux exigences d’efficience et de qualité de vie au travail. »

Cette thèse, elle aussi, est capitale. Elle est explicitement recommandée.

Et même, j’en demande plus. Bien que j’aie pu constater de près les insuffisances de l’hôpital public, je regrette que les deux auteurs aient consacré des lignes à le vilipender, au lieu de concentrer tout leur travail sur leurs propres recommandations, afin d’en étendre l’analyse, d’en développer au maximum les éléments, de détailler point par point les avantages et les supériorités du système qu’ils préconisent – semble-t-il à juste titre. Il m’aurait fallu encore bien plus de précisions. Suis-je trop exigeant ? Non, c’est le sujet qui l’exige.

Pour finir, je note : « Il serait naïf de croire que le système de santé échappera demain à toute régulation, notamment financière. »

Certes, il ne faut pas s’imaginer qu’à lui seul un financement accru accomplira des miracles, mais il ne faut pas non plus oublier que les restrictions budgétaires ont joué un rôle néfaste dans l’impréparation des politiques sanitaires. 300 millions d’économies sur les tests, masques et vaccins vont coûter mille fois plus de pertes à l’économie du pays.

Le « courage politique » sera peut-être un beau jour de regarder de près la vertu des niches, des accommodements fiscaux et autres exemptions légales, afin de trouver où se cache l’argent qui manque au Budget national.

Cela dit, même si je demeure sur ma faim, même si Guy COLLET et Gérard VINCENT n’emportent pas une immédiate et totale conviction, je m’assure toutefois que, sans aucun doute, tous deux ont apporté une contribution majeure à l’étude de la pandémie actuelle et surtout des solutions qu’elle requiert.

 

Philippe MARTIAL