Bonsoir,
Je suis très heureux de vous accueillir dans ce nouveau siège de l’AP-HP, le jour même où nous avons choisi, avec la ville de Paris, l’acquéreur pour le siège historique de l’avenue Victoria. C’est donc une page qui se tourne et de nouveaux horizons qui s’ouvrent, surtout vu du dernier étage. Cela me permet de remercier d’abord un drôle de personnage, Milord l’Arsouille, de son vrai nom Lod Henry Seymour Conway, dandy excentrique qui consentit un legs à l’AP-HP, lui permettant de bâtir son siège en face de l’Hôtel de ville. Siège que nous cédons pour une période de 80 ans, à l’issue de laquelle mon successeur le récupérera, pour une somme supérieure à 200 millions d’euros. Grâce à cette opération, c’est donc la différence que nous injectons dans l’investissement des hôpitaux soit près de 170 millions d’euros. Et je me réjouis que le siège se situe désormais au cœur d’un hôpital. Au même moment, le même successeur retrouvera la plénitude de la propriété de l’Hôtel Dieu, qui sera devenu l’un des plus grands lieux de l’innovation médicale. Il y a donc un formidable job à prendre : directeur général de l’APHP en 2102. Mais d’ici là, je préviens, il y a encore quelques difficultés à traverser.
Aussi curieux que cela paraisse, j’ai souvent pensé à ce moment-là, aux mots que je prononcerai. Il faut dire que les rumeurs de mon départ ont été tellement fréquentes depuis mon arrivée, que j’ai eu beaucoup d’occasions pour m’y préparer. Et pourtant, l’heure venue, je me suis trouvé paralysé devant une feuille blanche et j’ai eu l’impression d’avoir à faire l’un des plus délicats discours de ma vie.
Il faut avouer que j’ai longtemps rêvé de pouvoir dire, en guise de bref message d’adieu, « la tâche est accomplie, les vieux démons sont chassés, les problèmes existentiels sont derrière nous, les irritants du quotidien ne grattent plus, les circuits des patients sont tout tracés, les conflits sont éteints, les déficits relèvent de l’histoire, l’efficience est rangée au musée de l’AP-HP, la recherche est fluide, la confiance est totale, les boulets ont rejoint d’autres cieux et les chaînes sont brisées ».
J’ai vécu ces années, avec une seule obsession. Comment faire que les atouts considérables de cette institution d’exception, donnent le sentiment à ceux qui y travaillent de pouvoir entièrement se consacrer au bien du patient, avec le sentiment du travail bien fait, d’équipes harmonieuses, de l’absence d’entraves à leur vocation, à leur passion, à leur professionnalisme, à leur altruisme, à leur goût pour la recherche et l’innovation ? Comment donc assurer au mieux l’accès réel au meilleur et juste soin, indépendamment des revenus, du statut, de la chance de connaître ou non personnellement la bonne personne ?
Je sais, nous savons, que ce rêve n’est pas encore réalisé. Les frustrations et les inquiétudes sont fortes, les difficultés sont réelles, les pesanteurs sont toujours présentes, les tensions sont permanentes et elles ont tendance à masquer ce qu’il y a de positif dans cette maison, le fait qu’il y a tous les jours des réussites et des exploits, qu’on peut y connaître la joie, la satisfaction, l’amitié et la fierté, qu’il y a constamment des projets qui avancent, des découvertes qui font avancer la médecine, des vies sauvées et des problèmes que l’on pensait insolubles qui trouvent des solutions.
Il faut maintenant que je vous l’avoue. A la maison, il y avait un nom de code, un petit nom affectueux pour désigner mon bureau et ma fonction : « le bagne ». Un bagne auquel on s’attache, non pas par des chaînes, mais par une sorte de syndrôme de Victoria, variante non encore décrite dans les revues à comité de lecture du Syndrôme de Stockholm. Victor Hugo décrit ainsi le séjour d’un bagnard : « Pendant ces années de torture et d’esclavage, cette âme monta et tomba en même temps. Il y entra de la lumière d’un côté, et des ténèbres de l’autre ». Les lumières éblouissantes et les sombres ténèbres, cela nous va bien. Commençons par les lumières, on glissera sur les ténèbres.
J’ai aimé ces tournées du 31 décembre et du 1er janvier, où pendant que d’autres font la fête, on passe des moments privilégiés avec celles et ceux sont à leur poste et qui sont fiers de l’être.
J’ai aimé ces immersions hospitalières de la mi-août, où il m’arrivait d’enfiler une blouse et de me faire gentiment sermonner par une infirmière ou une aide-soignante qui trouvait que son directeur général était bien maladroit pour l’aider.
J’ai aimé ces brain storming du samedi matin, si fréquents pendant la crise COVID où l’intelligence collective était à l’œuvre pour prévoir, concevoir, et faire naître Covidom, Salicov, Covisan, Météor, et beaucoup d’autres idées.
J’ai aimé ces réunions de crise, où l’on fait le tour des hôpitaux, où chaque voix devient familière, sans qu’on ait besoin de demander le nom de celui qui intervient – à part le tonitruant : Bonjour, c’est Jennifer de Sorbonne, qui me manquera tant – et où la gravité n’empêche pas la complicité et la taquinerie.
J’ai aimé au plus fort d’une grève, allant à la rencontre des équipes, tomber sur une infirmière qui s’est souvenu qu’elle m’avait encadré quand j’étais agent hospitalier « en remplacement de congé annuel », une nuit particulièrement agitée de grande garde dans un service de Neurochirurgie, ce qui a aidé à apaiser la discussion.
J’ai aimé recevoir ces messages que beaucoup m’adressaient pour un projet de recherche obtenu, une publication, un financement, une première, un essai réalisé, parce que c’était leur fierté et qu’ils voulaient la partager. J’ai aimé les échanges directs par mail avec des centaines ou des milliers de professionnels parmi les « anonymes » de la maison, pour des choses qui paraissaient futiles et qui étaient tellement vitales pour eux ; j’ai aimé qu’on m’appelle « Martin », plutôt que « monsieur le directeur général ».
J’ai aimé pouvoir recruter, confier des responsabilités, convaincre de nous rejoindre des talents divers et complémentaires, pour constituer une équipe compétente, solidaire, animée par la volonté farouche de faire bouger la maison pour son bien. Diriger, c’est pour moi d’abord s’entourer, partager, faire confiance, surprendre et être surpris.
J’ai aimé ces coups de fil tôt le matin ou tard le soir, avec celles et ceux – médecins, directeurs, cadres parfois – avec lesquels on a tant à échanger, ces petites conversations où on partage des préoccupations, des espoirs, des idées, des inquiétudes, des projets, où on prend et où on donne des nouvelles, quand l’heure matinale ou tardive permet de se lâcher et de ne pas rester conventionnel.
J’ai aimé traverser Paris tôt le matin ou tard le soir et admirer l’architecture de nos hôpitaux, avec l’émotion de connaître les formidables choses qui s’y passait à l’intérieur.
J’ai aimé ne pas avoir un seul jour sans surprise, sans qu’un événement – souvent indésirable – vienne perturber le programme de la journée. J’ai aimé cette collusion permanente entre les décisions qui engagent le long terme et les réactions qui doivent se prendre dans la minute. Le directeur général, lui aussi connaît le conflit entre le programmé et les urgences !
J’ai aimé la ruche bourdonnante de Picpus, pendant les premières vagues, quand les renforts venaient s’y former, les chirurgiens réguler les réanimations, les hôtesses de l’air s’intégrer au programme COVISAN, les volontaires soutenir les patients inscrits à COVIDOM et qu’un cœur de l’AP-HP y battait.
J’ai aimé ces élans de solidarité et de générosité, qui ont conduit volontaires et donateurs, à venir nombreux à notre soutien, dans un mouvement spontané et superbe, qui nous a tous émus.
J’ai aimé ces nombreux messages de patients ainsi rédigés « Martin, on dit beaucoup de mal de l’AP-HP et de l’hôpital public, mais qu’est ce que j’y ai été bien soigné avec tant de compétence et de gentillesse »
J’ai aimé ces discussions à bâtons rompus dans les postes de soins, où l’on se fait copieusement mais affectueusement engueuler, mais d’où l’on repart avec des idées de ce qu’il faut changer.
J’ai aimé adresser, presque chaque dimanche soir, entre chien et loup, un long mail à mon équipe rapprochée pour dire mes idées du week end et savoir quelles seraient débattues, modifiées, enrichies, et d’une manière ou d’une autre mise en œuvre.
J’ai aimé que bien comme directeur général, on se crée des inimitiés – avec ceux qui pensent que cela les élèvent d’espérer que l’on va les hisser au rang d’ennemis personnels – on parte avec infiniment plus d’amis que l’on en comptait en arrivant.
Bref, j’ai aimé aimer l’AP-HP.
Quelques mots sur les ténèbres. On pense parfois que les directeurs sont loin, qu’ils ne sentent pas les choses, qu’ils sont insensibles, aux attaques, aux insultes, à la sournoiserie où à ces sympathiques mails qui vous souhaitent d’être malades pour mieux comprendre. Il n’existe pas de mithridatisation contre les attaques toxiques répétées. Mais le plus pénible, ce ne sont pas les attaques elles-mêmes, qu’elles concernent les personnes ou l’institution, c’est l’absence de réaction, c’est la tolérance de leurs pairs, c’est l’absence de condamnation. Oh certes, dans le secret du bureau, on vous dira ce que l’on en pense. Mais la réalité, c’est qu’on laisse faire et qu’on laisse dire, qu’on les choisit parfois comme représentants, qu’on leur donne des tribunes. L’AP-HP mérite mieux que se laisser tirer vers les bas-fond. Soyez tolérant avec les autres, intolérant avec la méchanceté qui naît de la médiocrité.
Comment une organisation, composée d’autant de personnes remarquables, qui représentent la quintessence de leur profession, qui ont choisi par vocation ces métiers – de médecin, de chirurgien, d’infirmier, de manipulateur radio, de directeur, j’en passe –, peuvent-elles se trouver à subir tolérer ou générer autant de dysfonctionnements, vivre dans le doute permanent et exprimer si fort leur insatisfaction et connaître en même temps la peur du statu quo et la crainte du changement ?
C’est ce mystère qu’il nous faut dissiper, cette contradiction qu’il faut analyser, ce mal qu’il faut extirper.
Je l’ai toujours dit, la solution de facilité, c’est de ne voir la source des problèmes que dans les contraintes extérieures : les autorités de tutelle, le mode de financement, la médecine de ville, les normes, l’ONDAM, les responsables politiques, ou les bureaucrates qui gouvernent et qui se délecteraient dans la complexité, et l’énoncé de contraintes.
Tout au long de ces années, j’ai cherché, comme l’on mène une enquête, à détecter ce qui nous différenciait vraiment de grands hôpitaux que l’on prend comme modèle. Et j’ai constaté plusieurs choses, après avoir été un jour consolé par un échange avec mon collègue de Johns Hopkins : « chez nous la plupart des médecins sont malheureux, ils n’ont pas assez de moyens et trop de lourdeurs. Ils doivent être heureux chez toi ? lui demandai-je. « détrompe toi. Ils sont très bien payés, ils ont des moyens importants, mais quand ils passent 4 heures avec des malades, ils me disent qu’ils doivent passer le même temps à faire de la paperasse. Je dois dire que ça m’a fait du bien.
Ils ont tous un financement qui s’apparente à la T2A et n’en font pas la source de leurs maux .
Ils ont tous comme enjeu majeur les pénuries de ressources humaines et considèrent qu’ils doivent se réinventer pour y faire face.
La plupart ont deux étages d’organisation médicale, des départements et des services, et ne le qualifient pas de mille feuilles ;
Etats-Unis mis à part, leurs budgets ne sont pas sensiblement différents des nôtres, même s’ils arrivent pourtant à verser des rémunérations plutôt plus élevées et souvent à avoir des densités de personnels plus fortes, contrepartie de séjours plus courts que les nôtres, liée à une offre médicale plus rationnelle.
Les vraies différences, celles que j’ai repérées sont ailleurs : la souplesse des statuts et des rémunérations permettent davantage de différencier, de reconnaître, de choisir avec qui on travaille et de favoriser des mobilités choisies ; les carrières sont plus évolutives, notamment dans les professions para médicales, avec des progressions réelles de responsabilité, de compétence et de rémunérations ; il est plus fréquent de trouver une distinction entre hôpitaux spécialisés dans le recours et hôpitaux centrés sur la proximités, les urgences et le non programmé plutôt que de faire se concilier les deux sur le même site ; la recherche s’organise entre université et hôpital, dans un jeu à deux, plus que dans un jeu à trois ou quatre, d’une grande complexité ; elle est donc plus fluide ; beaucoup ont vingt ans d’avance dans une relation avec le soin primaire plus structurée, ils sont déjà davantage des « mini systèmes de santé » que de pur hôpitaux ; enfin, ils parlent plus de concurrence avec les autres établissements que de concurrence à l’intérieur de leurs organisation ; il est rare qu’il y ait de la bureaucratie générée par trois systèmes de paiement : un étage d’assurance obligatoire, un étage d’assurance complémentaire et un complément pour le patient ; et je crois que dans aucun pays, les salaires sont invariables, quel que soit le coût de la vie dans l’environnement. Dans la plupart des cas, il y a à la tête des établissements, une équipe nommé ou cooptée, composées aussi bien de ce que l’on appelle des administratifs, des médecins et des paramédicaux et non pas un pouvoir mono colore qui doit faire face à ceux qui se considèrent comme des contre-pouvoirs ; j’ajoute que je n’ai vu nulle part ailleurs que ceux qui travaillaient à l’intérieur passent tant de temps à dire du mal à l’extérieur de leur institution.
Ce sont ces constats, assortis d’une analyse de ces problèmes que chez nous on n’arrive pas à résoudre malgré des efforts démesurés – des conflits au sein d’une équipe, des départs qui ne devraient pas avoir lieu, des non départs qui auraient dû avoir lieu depuis longtemps, des anomalies dans l’organisation de l’offre médicale – qui m’ont conduit à penser qu’il ne fallait pas se tromper de diagnostic, et que c’est le référentiel même qu’il nous faut changer : les statuts, la conception des carrières, une rémunération différenciée, construite sur trois étages, une latitude laissée aux établissements pour adapter les rémunérations à leurs besoins et leurs spécificités ; en finir avec la nomination à vie dans un établissement ; une gouvernance qui se construise comme une équipe et pas comme une juxtaposition de pouvoirs ou de contre-pouvoirs ;
L’AP-HP souffre de ne pas savoir se dessiner collectivement un avenir, un nouveau visage, son propre destin, le cadre non fantasmé dans lequel elle aimerait évoluer.
Une APHP, qui avec ses forces vives, porterait collégialement des réponses à ces impasses, échafauderait un cadre nouveau, le soutiendrait avec unité, constance, cohérence et audace, s’engagerait à le faire vivre, serait entendue. La lumière est accessible.
Nous avons ensemble jeté les fondements, fait naître les germes d’idées nouvelles, forgé des instruments et lancé des projets, qui peuvent façonner un autre visage de l’APHP..
Le dialogue social rénové, concrétisé par le projet social issu d’une discussion tripartite, ce qui était une première, associant les médecins, les représentants des autres personnels et les directions, tous autour de la même table, pas une table haute pour les uns et une table basse pour les autres. Si une plus grande latitude aux hôpitaux permet de définir le contenu social plus que l’appliquer, nous avons là un cadre nouveau qui permet de discuter de questions aussi fondamentales que la concordance des temps médicaux et paramédicaux et l’évolution des carrières. Avec un regret : Je n’ai pas réussi à extirper de notre vocabulaire le terme de « personnels non médicaux ». On ne peut pas définir par la négative des professions à part entière ! je vous en prie, faites-le, même si je connais le poids des habitudes et si cela ne sera pas naturel au début
La capacité à agir et réagir dans les crises, avec une force et une unité extraordinaire. Qu’il s’agisse des attentats ou du COVID, l’AP-HP sait puiser des ressources extraordinaires et jouer son rôle de protection, de solidité, d’innovation, de résistance, de référence. Quand tout peut vaciller, le pilier tient.
Les groupes hospitalo-Universitaires, chacun plus important qu’un gros GHU et les DMU, dans un esprit fédéral, sont le début d’un remède à la menace d’éclatement de l’AP-H, à sa centralisation excessive et à une plus grande cohérence avec le paysage universitaire. Profitez réellement de la force de l’AP-HP pour mieux spécialiser les sites, éviter d’avoir toutes les disciplines partout, disperser les forces, diluer les compétences. Si l’AP-HP avait une carte rationnelle de son offre de soins, avec moins de doublons, uniquement des services pouvant figurer dans les premiers rangs des classements, il y aurait plus de temps pour la recherche, plus d’équipements de pointe, plus de personnels au lit du malade. A la taille de l’AP-HP, il n’est pas normal qu’il puisse y avoir des services en dessous de la taille critique susceptibles d’être menacés par un départ ou un non renouvellement.
Nous avons créé des outils nouveaux, qui peuvent avoir une influence majeure sur l’avenir de l’AP-HP : la fondation qui a été si réactive pendant la crise et qui peut se hisser au rang des plus grandes fondations médicales ; la filiale internationale, qui permet déjà à l’AP-HP de rayonner dans près de 40 pays ; la participation au réseau des plus grands hôpitaux européens, EUHA, avec des potentialités de coopération et de projets communs considérables ; la chair hospinnomics et la chaire de philosophie qui viennent associer la médecine aux sciences humaines, à travers un prisme hospitalier, désormais portée par une convention avec l’Ecole normale supérieure ; le fond APRES, qui permet une logique de projets, initiées par les équipes, pour les patients et les personnels ; les maisons des femmes, qui nous ouvrent, comme l’ont fait les premières PASS en leur temps, à une prise en charge de publics vulnérables de manière pluridisciplinaire;
Nous avons mis sur les rails des grands projets d’investissements qui reconfigureront le paysage de l’AP-HP : outre le nouveau siège, sainte perrine, l’ensemble Hôtel Dieu, le nouveau Lariboisière, le nouveau Jean Verdier et le pôle mère enfant d’Avicenne, le regroupement des hôpitaux Ambroise Paré et Raymond Poincaré, le magnifique projet de l’hôpital Nord, mais aussi l’investissement dans notre entrepôt de données de santé, sans beaucoup d’équivalent au monde, et dans la plateforme génomique Sequoïa. .
Nous avons initié une modification des rôles des acteurs : c’est la présence des représentants des usagers au directoire, mais aussi dans les missions d’audit, dans de nombreuses commissions, comme des acteurs à part entière ; c’est la possibilité, seulement entrouverte j’en conviens, pour les paramédicaux d’évoluer dans leurs fonctions, grâce aux protocoles de coopération, grâce aux pratiques avancées, qui est une telle évidence et le vrai moteur de l’attractivité paramédicale si la reconnaissance s’accompagne d’une progression de carrières et de rémunérations, sujet sur lequel l’AP-HP s’est battue depuis plusieurs années. C’est la La présence de médecins, nommés à des fonctions de responsabilité d’une directrice générale adjointe à un directeur médical de crise, d’un directeur de la stratégie de la transformation à des directeurs médicaux des DMU, ouvrant la voie à ce qu’il n’y ait pas une juxtaposition des responsabilités dites administratives et des responsabilités médicales, ou une opposition entre une chaîne nommée et une chaîne élue, mais l’évolution vers une gouvernance où directeurs, médecins paramédicaux exercent ensemble des responsabilités, assument ensemble les décisions, ouvrent ensemble des voies nouvelles, s’engagent ensemble.
Et bien sûr, il y a vous, vous qui aimez l’AP-HP, qui avez une haute conception du service public hospitalier, qui êtes reconnus bien au-delà de nos frontières, qui aimez transmettre à vos élèves : vous êtes le plus précieux ferment.
Avant de conclure, je voudrais dire un mot sur la période historique que nous traversons, car elle ne peut nous laisser insensible. Nous sommes une génération qui a pu croire que le progrès – la démocratie, la liberté, la paix, l’augmentation de l’espérance de vie, la protection sociale- étaient des acquis irréversibles de l’après guerre qui ne pouvaient que s’étendre dans le monde. Nous voyons aujourd’hui que de l’habitabilité de la planète au droit à l’avortement, en passant par la démocratie et l’espérance de vie en bonne santé, tout est réversible. Cela confère une responsabilité particulière à celles et ceux qui ont en charge de grands services publics, qui ont choisi des métiers au service des autres, et qui sont attachés à des valeurs fondamentales.
Je souhaite que mon successeur ait votre confiance. Je souhaite qu’il puisse utiliser la confiance pleine et entière que lui accordent ceux qui le nomment pour pouvoir convaincre, mieux que je n’ai su le faire ces dernières années, que le moment est venu de faire évoluer le cadre et pour obtenir, non pas seulement des moyens comme vous allez vite lui en demander, mais cette souplesse vitale dont vous avez encore plus besoin. Je souhaite qu’il trouve une voie, qui ne soit ni d’avoir comme seul horizon le retour à l’équilibre par des plans d’efficience, ni de faire compenser nos faiblesses structurelles sans les résoudre.
Je lui souhaite que ceux qui ont dépensé beaucoup d’énergie pour me critiquer auront un petit passage à vide, en perdant leur cible. Bref, du fond du cœur, j’espère que ce changement de directeur général sera une chance pour l’AP-HP et que vous saurez la saisir. Je souhaite que ne tarde pas trop le moment où l’AP-HP sera une communauté heureuse. Je souhaite tout simplement que vous sachiez que, malgré tout, j’ai éperdument aimé vous consacrer près de neuf ans de ma vie comme directeur général, avoir été au total pendant 14 ans dans les effectifs de l’AP-HP, comme externe, directeur de la pharmacie centrale, directeur général. Je souhaite que vous sachiez que j’ai aimé partager votre passion pour l’AP-HP et que jamais je ne vous oublierai.