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DETTE SOUVERAINE

DETTE  SOUVERAINE

L’opinion confond public et privé ; elle est persuadée que le budget de l’Etat est « comme » un budget individuel ; la seule différence serait qu’il est beaucoup plus gros.

L’Etat emprunte beaucoup ; donc l’opinion agite le problème du remboursement, par pure analogie avec la règle qui s’impose à tout un chacun : en bon père de famille, il faut rembourser ses dettes. Et pour ce faire, le brave homme est, de toute évidence, forcé de se serrer la ceinture ; bon gré, mal gré, il économise tant et plus sur ses dépenses.

Cette image naturelle de l’emprunt « à rembourser » est confirmée au plus haut des gouvernants : « La dette COVID ne sera pas annulée. » affirme Christine LAGARDE, Présidente de la Banque centrale européenne (BCE) « Une telle solution est inenvisageable », car elle violerait le « traité européen qui interdit strictement le financement monétaire des Etats. »

Comme Mme LAGARDE, la plupart des d’hommes politiques savent jouer de ce registre naturel de l’inévitable similitude des emprunts…

Par conséquent, la doctrine la plus répandue prêche pour l’austérité : afin de soulager le budget, la priorité est d’en diminuer les charges. Et déjà pour commencer, il faut réduire le nombre de fonctionnaires ; ainsi que le montant des subventions sociales… On observera qu’en revanche, il n’est jamais question de réformer le système fiscal, pour percevoir un supplément budgétaire, en réduisant les privilèges des grandes fortunes.

Peut-être est-il (?) d’autres hommes politiques, qui expliquent que les choses ne se passent pas exactement comme le croit le public. Ou comme on lui fait croire.

Malgré ce qu’affirme « officiellement » sa présidente LAGARDE, la Banque centrale européenne (BCE) intervient massivement en sens inverse de ce que l’on suppose : en réalité, elle rachète les dettes « souveraines » des Etats, en faisant « tourner la planche à billets ». Cependant, elle ne procède pas à des achats directs aux Etats, car elle violerait son statut ; elle le contourne habilement : primo, des investisseurs privés achètent les dettes des Etats ; secundo, ils les revendent sans délai à la BCE.

La BCE procède ainsi depuis 2015. Le résultat est que les Etats empruntent sur les marchés à taux négatif ! Et que les dettes sont indéfiniment renouvelées ! Car, chaque fois qu’une dette arrive à échéance, un Etat la rembourse en empruntant la même somme ; il contracte une dette nouvelle que lui rachète ensuite la BCE.

Tant que dure ce stratagème… Pour l’instant, il dure.

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Il y a près de deux décennies, le F.M.I. et la Bundesbank - deux institutions dont on voudra bien m’accorder qu’elles n’ont rien de bolchevique - ont proposé une solution originale pour réduire sérieusement, sinon apurer, les dettes nationales.

Il s’agissait d’opérer un prélèvement exceptionnel de 10 % sur toutes les grandes fortunes ; je fus d’autant plus attentif à cette suggestion, qu’auparavant j’avais moi-même soumis à plusieurs de mes amis l’idée d’un prélèvement comparable, mais de 5 %, sur l’ensemble des patrimoines.

Où pensez-vous que j’aie appris les 10 % en question ? En première page du journal « Le Monde » ? Pas du tout ! Elle était perdue au sein d’un article, vers la page 15 ou 16 ; moralement obligé de soutenir sa réputation mondiale d’impartialité, ce quotidien livrait l’information, mais dissimulée dans les pages économiques bien moins lues.

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C’est dans des conditions de cache aussi déplorables, qu’il y a nombre d’années, « Le Monde » a fait connaître (si j’ose dire) qu’une agence de notation de premier plan était condamnée par la justice, pour collusion avec les milieux boursiers spéculatifs.

Dégrader la note d’un pays tel que la Grèce, c’est aussitôt insister sur le danger de remboursement de sa dette souveraine ; et donc donner aux « marchés » un prétexte pour prêter à des taux plus élevés. La dette s’en trouve augmentée, et donc également son danger ; un « cercle vicieux » qui met les marchés en mesure de gagner des milliards.

Il faut être bien naïf pour croire que des complicités aussi rentables entre agences et marchés soient impossibles.

N’étant pas aveugle, la justice avait sévi ; mais il ne fallait surtout pas que le public en fût informé !

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