Skip to main content

DROIT et LOI.

DROIT et LOI.

Petite plaisanterie : si le Droit coïncidait avec le simple bon sens, les juristes seraient inutiles.

***

Je me suis souvent étonné qu’un juriste refusât de raisonner pour comparer le principe qu’il prône et l’expérience qui en résulte ; de même, qu’il ne tînt pas compte de la différence des mœurs selon l’époque... Je finis par comprendre que pour lui, une règle juridique relève de l’Ecriture sainte. Il la surévalue...

Maint juriste sacralise le Droit, en lui adjugeant le caractère solennel et intouchable d’un dogme religieux ; un Code est inscrit sur les Tables de la Loi, comme si Dieu l’avait dicté à MOÏSE.

Exemple : tel délai de prescription de vingt ans était raisonnable jadis, quand la vie était courte : les témoins disparaissaient rapidement. Alors que, de nos jours, la moyenne d’âge approche les quatre-vingts ans, et qu’il est devenu impossible de bouger sans partout laisser des traces ; il faudrait donc allonger le délai. Mais...

***

Pour maint juriste, rien n’importe autant que la qualification des faits, selon les entités du Droit en vigueur. Exemple : à l’en croire, l’esclavage n’existe plus. Car les définitions traditionnelles ne s’appliquent pas aux types de servitudes que l’on peut observer de nos jours. Peut lui chaut que les victimes soient férocement exploitées et que, privées de leurs papiers, elles ne soient pas en mesure de se défendre ni d’exercer le moindre recours ; il se refuse à voir que, maintenues par la force dans un statut de non-existence, elles sont, non pas juridiquement, mais dans les faits, soumises à un régime en tout semblable à celui des esclaves traditionnels.

Le Droit, seulement le Droit !

***

Nombre de lois prévoient des pénalités financières. Le point délicat est que le montant fixé par la loi initiale demeure inchangé durant des décennies ; compte tenu de l’inflation, l’amende finit par être entièrement négligeable.

C’était le cas pour les monuments historiques : un demi-siècle durant, tout destructeur était condamné à peu ; aussi personne ne se gênait.

Un ministre annonça qu’il entendait appliquer une autre peine prévue par la loi, quoique jamais appliquée : le reconstruction « « in integrum » de l’édifice ; seule cette menace, horriblement coûteuse, stoppa la ruine du patrimoine.

A mon sens, lors du débat annuel du budget, un projet de loi spécial devrait actualiser le montant de toutes les amandes légales. Interdire serait alors - et enfin - suivi d’effet.

***

Le législateur est tellement imbu de préjugés d’origine religieuse (le dolorisme chrétien, par exemple), que le juge, appliquant la loi, condamne parfois presque aussi sévèrement la possession de cinq cents grammes de cannabis que la conduite automobile « sous l’empire d’un état alcoolique » ; le châtiment des délits est l’inverse de ce qu’exigerait la proportion comparée de leurs dégâts.

Sur ce sujet, osons un rien de logique : on observe que la répression n’empêche pas la consommation des drogues ; tout au contraire, elle explose.

Puisque cette police s’avère inefficace, elle n’a aucun sens ; elle est inutile et stupide.

Soyons net : l’interdiction favorise avant tout la Mafia, à qui la loi confie un commerce aussi florissant pour elle qu’il est désastreux pour le reste du monde ; on ne compte plus les assassinats un peu partout ; les banquiers, les yeux fermés, blanchissent l’argent sale ; les gouvernants sont corrompus ; la police perd son temps à courir les petits revendeurs - les « dealers » - au lieu de concentrer ses efforts sur les trafics et crimes beaucoup plus graves des autres banditismes...

Le résultat de la loi répressive est donc le comble de l’irrationnel. Rien de plus connu. Pourtant, au nom de principes sacro-saints, l’absurde continue : tout imbécile qu’elle se montre, l’interdiction subsiste. Encore et toujours, pour le plus grand profit des « parrains ».

***

On finit par se demander si, derrière le décor d’apparence du Pouvoir, la Mafia n’est pas aux commandes, manœuvrant en secret politiques et policiers.

La logique finissant malgré tout à l’emporter, de plus en plus de gouvernements adoucissent ou abolissent la répression frappant l’usage des drogues dites « douces ».

Toutefois, butés dans leurs convictions, les esprits conservateurs continuent, contre l’expérience, d’affirmer que le « doux » conduit inévitablement au « dur ».

Les mêmes esprits déplorent que la loi soit de moins en moins coercitive ; un scandale ! Qu’elle devienne toujours plus permissive leur est un symptôme patent de décadence morale. Ils ne manquent pas de relever que la liste des interdictions ne cesse de se raccourcir.

Ils ne soupçonnent pas une seconde que la Mafia a tout intérêt à leur souffler des slogans aussi vertueux.

***

Quand le législateur pose une règle de droit, destinée à réprimer un comportement répréhensible, il doit garder à l’esprit que, s’il en assure désormais le châtiment, il rend possibles et facilite en même temps les dénonciations calomnieuses.

C’est bien ce risque que l’on observe, quand s’élaborent certaines innovations du Code Pénal. Car il n’est pas aisé, dans tous les cas, d’être en état de juger sur faits avérés. La difficulté cruciale est dans la preuve.

Quand les faits sont anciens, gare aux imposteurs...

***

Dans tout pays, quand les conservateurs sont plus souvent au pouvoir que les progressistes, la majorité des juges composant la Cour suprême se prononce quasiment toujours en faveur du conservatisme. Ce qui renforce encore plus le pouvoir de la faction au pouvoir.

Il suffit parfois de la mort rapprochée de deux juges, pour inverser le sens des décisions.

***

En France, comme un peu partout ailleurs, la justice est faite pour les riches : les avocats coûtent cher et les juges mettent des années à juger ; dans les faits, un pauvre n’a pas les moyens d’intenter un procès.

Qui vole une bricole va en prison ; qui vole des milliards y échappe ; ce privilégié rétribue un bataillon de conseillers juridiques qui saisissent toute occasion de retarder le procès. Et juridiquement, les prétextes ne manquent pas !

Evoquant le procès du PDG G…, que les magistrats japonais n’hésitèrent pas à mettre en détention, un juriste français se déclara choqué que « l’on soit jeté en prison pour un délit financier. »

***

En outre, les politiques sont traités avec indulgence par le Parquet : des années traînent avant l’ouverture d’une enquête ; puis le jugement attend encore des années…

C’est pour s’assurer une telle faveur que le Pouvoir tient tellement à choisir et nommer les plus hauts magistrats, tout en prônant et promettant sans fin une réelle indépendance de la Justice.

***

Les délits sont prescrits après un délai fixé par la loi ; certains délais gagneraient à être allongés.

Pour les crimes, il est de vingt ans. En 1800, ce délai était raisonnable ; la moyenne d’âge étant aux alentours de quarante ans, il était sûr que passé deux décennies, une bonne part des contemporains (par exemple) d’un assassinat avaient disparu. Impossible de recueillir un témoignage, de déceler un fait probant, de trouver le moindre indice…

Ce n’est plus du tout le cas de nos jours, pour nous qui vivons bien plus longtemps que nos ancêtres. Et qui, d’une façon ou d’une autre, laissons des traces partout ; nous ne pouvons pas faire un pas, sans être connu d’une foule de gens, membre de plusieurs associations, photographié quelque part, consigné sur quatre registres administratifs, et désormais enregistré par une dizaine de systèmes informatiques…

***

Le Droit est censé protéger. Surtout le faible contre le fort.

En principe. Mais en réalité ? Les juristes en ont fait du Droit un champ encombré de juridismes techniques tellement compliqués que seuls les experts chevronnés s’y retrouvent : dans la décision du juge, la ressemblance du cas avec quelque « précédent » l’emporte alors sur toute autre raison. Mais il arrive qu’un juge d’appel se réfère à une autre ressemblance... Et que le tribunal suprême en invoque encore une autre...

Dans les faits, le Droit protège surtout les puissants ; car eux seuls ont les moyens de se payer une troupe d’avocats, qui multiplient les moyens d’éterniser le procès, en dénichant dans la jungle touffue des processus juridiques une masse de « précédents » favorables.

Il est loin d’être sans exemple que de grands chefs de la Mafia, difficilement saisis par la Police au prix de mille et mille efforts, soient relâchés par le juge, au prétexte de quelque entorse à l’une des règles de la procédure.

***