Les désastres actuels affectant notre planète, son climat, sa couverture végétale, sa faune… font prendre conscience de liens de cause à effet, jusque-là passés complètement inaperçus.
Pour Lyne WHITE, in « Les racines historiques de notre crise économique (1967), l’avènement du christianisme serait une élément-clef ; il a livré la nature à notre appétit sans mesure. « Dans l’Antiquité, chaque arbre, chaque source, chaque colline avait son propre « Genius loci », son gardien spirituel… En détruisant l’animisme païen, le christianisme a permis l’exploitation de la nature, dans un climat d’indifférence à l’égard de la sensibilité des objets naturels. »
Dans « L’occupation du monde » (Zones sensibles. 2018), Sylvain PIRPN confirme cette causalité, au moins pour les premiers siècles du second millénaire ; en s’appuyant sur « Le traité des contrats » rédigé vers 1293 par un franciscain Pierre de JEAN OLIVI, il montre que le religieux propose « une nouvelle approche de la réalité sociale, selon laquelle il existe un monde spécifique, celui des relations économiques. », un domaine dégagé de toute morale chrétienne.
Philippe DESCOLA, dans « Les natures en question. » (Odile jacob, 2018) estime, lui aussi, que « Le Moyen-Age est un temps de prédation, où le monde est livré aux hommes, qui puisent largement sans crainte de son épuisement. »
Anna TYSING, dans « Le Champignon de la fin du monde. » (Les empêcheurs de penser en rond. La découverte, 2017) montra que l’exemple le plus frappant, car le plus violemment immoral d’exploitation de la nature est donné par les planteurs portugais ; installés au Brésil, dès le XVIème siècle, ils adoptèrent une solution « simple et radicale » :
remplacer toutes les cultures locales par la canne à sucre,
exterminer largement les peuples locaux, afin que personne sur place ne réclame les terres exploitées, puis chercher ailleurs une force de travail issues de cultures lointaines ; en effet, bien qu’elle tendait à considérer les indigènes amérindiens comme de suppôts de Satan, l’Eglise refusa qu’ils fussent mis en esclavage ; d’où la traite atlantique qui les remplaça par des noirs africains.
Le succès fut immense : l’Europe dite chrétienne réalisa de gigantesques profits. Je me demande ce que l’on peut reconnaître de JESUS et de son fondamental message d’amour dans cette impitoyable exploitation.
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Changement d’échelle. La passion du lucre est sans morale ; elle fait oublier les dégâts et les victimes qu’elle provoque ; un grand changement a eu lieu en un siècle ; l’aire où l’appétit effréné du gain pouvait s’exercer et dominer est longtemps demeurée restreinte et isolée des voisines ; de nos jours, l’effet de la cupidité est devenu planétaire. Les dégâts étaient limités ; ils sont devenus gigantesques.
Cet appétit, irrépressible car instinctif, risque désormais de détruire l’espèce humaine, en ruinant la planète.
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Le progrès technique eut une action bénéfique jusqu’à nos jours, ce dont témoigne, par exemple, l’allongement continu de la vie humaine grâce à une médecine améliorée ; de nos jours et pour la première fois, il s’avère inquiétant, et de plus en plus ; car il a mis entre nos mains des moyens démesurés, dont les conséquences perverses sont imprévisibles et incalculables.
Le désordre social que l’activité économique engendrait souvent, jadis et naguère, avait une portée limitée. Il ne menaçait en gros que la zone où les détenteurs de pouvoir exerçaient leur pouvoir. Ces détenteurs sont, de nos jours, beaucoup moins nombreux ; mais leur diminution est proportionnellement très faible comparée à l’extension illimitée de leur champ d’action ; désormais, ce champ est planétaire. Et le désordre, sans commune mesure. Il faudrait qu’un minimum de régulation imposât un minimum d’ordre rationalisé ; cette régulation n’existe pas.
Un changement d’échelle a fait que le progrès technique est devenu dangereux.
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« La résolution du défi climatique ne pourra se faire sans un puissant mouvement de compression des inégalités sociales…
Les émissions de carbone sont fortement concentrées parmi les plus riches. Au niveau mondial, les 10 % les plus riches sont responsables de la moitié des émissions ; et 1% des plus riches émettent à eux seuls plus de carbone que la moitié la plus pauvre de la planète. »
(Thomas PIKETTY. « Le Monde » 9, 10 et 11 juin 2019)
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Beaucoup d’écologistes ont d’étranges superstitions ; ils tendent à croire que tout est qui est naturel est forcément moins dangereux qu’une pratique artificielle ; ils se refusent à voir qu’au moins jusqu’au dernier siècle, le progrès scientifique a énormément amélioré la vie humaine.
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Les écologistes tendent à opposer en tout l’authenticité de la nature à l’artifice du progrès technique. Pour sauver cette précieuse et irremplaçable Mère originelle immaculée, écartons ce qu’invente l’homme.
Notre corps produit beaucoup d’anticorps ; veillons à ne pas les détruire, sous prétexte d’hygiène. Ne nous savonnons pas les cheveux tous les jours. Laissons notre épiderme se recouvrir, de lui-même, d’une graisse protectrice… Les désodorisants sont dangereux, etc…
Les écologistes ont sans doute raison ; voilà pourquoi il arrive aussi qu’un ou deux sentent mauvais.
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Quand la passion écologique s’empare de quelqu’un, il arrive trop souvent qu’elle le domine aux dépens de tout autre souci rationnel. Il est beau de clamer contre les dégâts que nous faisons subir à la nature, mais il ne faut pas oublier l’ensemble des autres dangers qui menacent l’espèce humaine.
J’aimerais, par exemple, que certains indignés virulents sachent, à proportion égale, s’opposer, risque pour risque, aux excès de la conduite automobile : mais eux-mêmes parfois ne se refusent pas au vertige grisant de de la vitesse.
Le besoin de croire, lié à l’instinct d’adhérer à un groupe de dévots, est si puissant qu’il s’attache parfois à des inquiétudes rationnelles, pour les transformer en dogmes abrupts et inentamables, comme en imposent les pires des croyances. Il n'est pas sans exemple que des partisans de la Nature deviennent peu à peu les fanatiques d’une foi exclusive et intolérante.
L’écologie tourne à la religion et tient lieu de religion.
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« Vous ne portez pas de casque protecteur quand vous roulez en vélo ?
« La pollution tue beaucoup plus ! »
Le problème est dans la comparaison des risques. Ne confondons pas l’actuel et le prochain. Certes la pollution risque de provoquer un cancer. Mais le risque n’est pas immédiat, au contraire du risque en vélo.
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J’ai entendu un pauvre dire : « C’est très bien de nous parler sans cesse de ce qui se passera dans vingt ans. Moi, ce qui me préoccupe, excusez-moi, c’est aujourd’hui ! »
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Les écologistes ont raison de se soucier des conditions de vie que nous laisserons à nos descendants, mais ils ont tort d’être sans souci pour les actuelles conditions de survie de leurs propres contemporains.
Alors que les difficultés d’aujourd’hui déterminent le futur, au moins autant que les dégâts dus aux effets néfastes du progrès technique.
Aux yeux des écologistes, le présent est peu devant les périls de l’avenir.
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Ne font pas nombre les écologistes à percevoir que, pour l’avenir de l’espèce humaine, l’explosion démographique contemporaine est un péril désormais plus redoutable que la ruine du climat.
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