Les vaccins contre le Covid et nous.
Catherine Weil Olivier, Professeur honoraire de Pédiatrie, Université Paris 7
« Les vaccins contre le Covid sont des outils permettant la mise en place d’une stratégie de vaccination dans nos pays, dépendante des constats épidémiologiques, de la mise à disposition des vaccins et de la volonté du public à accepter ceux-ci. Elle s’inscrit dans une stratégie globale de maitrise de cette pandémie dont les mesures barrière et les techniques de traçage, dépistage, isolement des infectés ou malades sont deux autres éléments essentiels. Le texte suivant détaille ce trépied. »
Un an après le déclenchement de la pandémie à SARS-Cov2, un point d’étape – et de réflexion – est indispensable sur nos positions individuelles et collectives, les vaccins mis à disposition (de qualité et en un temps record), les stratégies de vaccination (perspectives et limites).
1-Le contexte est celui d’une pandémie qui s’éternise en vagues successives plus ou moins intenses dans l’ensemble des pays. Le virus en cause a, lui, trouvé un hôte de choix : l’organisme humain. Il s’y plait. Ce virus est bien décidé à s’y adapter…. Pour que nous continuions à l’héberger. Il rêve probablement des 9 milliards de personnes potentielles à infecter dans le monde : un habitat bien plus développé que les animaux sauvages chinois et les chauves-souris (dont le bénéfice majeur est une tolérance de leur système immunitaire vis-à-vis des coronavirus, telle qu’elles hébergent …. Sans tomber malades).
La multiplication des variants exprime les efforts adaptatifs répétés réalisés par le virus …. Dans son intérêt. A l’heure actuelle « seuls » les « variants of interest » (VOI) et les « variants of concern » (VOC) circulent et diffusent. A ce jour, nous ne rencontrons pas (pas encore ?) de variants dits à haut risque…. Qui pourraient résister « à tout ».
2- Il est grand temps de faire quelques constats et de nous poser quelques questions sur nos choix et nos intérêts propres.
Un constat principal : nous allons devoir vivre avec ce virus. Il se transmet d’autant plus que la charge virale est forte dans le nasopharynx, c’est-à-dire plus chez les sujets les plus malades mais la contagiosité est silencieuse 2 à 4 jours avant l’expression des symptômes et elle existe chez les sujets infectés non symptomatiques. Nous souhaitons tous pouvoir « mener nos vies ». Souhaitons nous vivre (en partie ?) confinés ? Clairement non devant la durée et les conséquences préjudiciables à l’échelle humaine et sociétale ! Souhaitons vivre avec une vie sociale restreinte, une vie économique au ralenti ? Certainement pas !
Il en découle en premier lieu, qu’il est essentiel de gagner du temps. Le temps gagné sauve des vies.
En second lieu, il faut faire confiance à la science : dans l’année écoulée, elle a rarement été aussi active, solide, internationale. Elle a été solidaire, articulant la recherche fondamentale et tous les corps de métiers publics et privés qui gravitent autour, pour fournir des ressources, les mettre en application
et à disposition de l’être humain. La lenteur (ou à l’inverse une impression de précipitation ressentie qui en inquiète certains) n’est pas un gage de qualité. En revanche suivre les outils mis à notre disposition, jour après jour avec objectivité, sens critique et partage de données internationales est un pilier de cette qualité.
3-Quelles mesures de « freinage viral » sont à notre disposition ? L’objectif est double : « aplatir » les courbes journalières (nombre de cas, hospitalisations, décès) et limiter le plus possible la transmission virale.
A ce jour, qui, maintenant n’a pas un proche, des amis, ayant traversé un épisode de Covid, plus ou moins sévère, avec des répercussions multiples, émotionnelles entre autres, dans toutes les tranches d’âge (enfants, adolescents compris) ?
4- Les solutions dont nous disposons sont les moyens, soit en aval soit en amont.
Les mesures d’aval, nécessaires, ne résolvent pas cette pandémie – ni ne la résoudront. Les mesures thérapeutiques mises à disposition lors des hospitalisations ont permis une régression du fort taux de décès observé en France avec l’affinement des connaissances sur ce « curieux virus » et une adaptation des moyens thérapeutiques. Le coût humain pour nos professionnels de santé a été et reste considérable. Il faut encore les en remercier.
En revanche, très peu de moyens thérapeutiques s’avèrent à ce jour efficaces chez les sujets non hospitalisés, hormis des mesures symptomatiques simples. Ces derniers représentent la très grande majorité des personnes touchées par le Covid et restent une source forte de transmission (en famille, au travail…) nettement préjudiciable à la maitrise populationnelle de cette pandémie.
Seules les solutions d’amont sont là pour résoudre (ou au moins tempérer, voire écraser) cette pandémie. Il est indispensable d’en bénéficier. Elles sont au nombre de trois NON EXCLUSIVES L’UNE de L’AUTRE et ASSOCIEES ENTRE ELLES : le confinement, les mesures barrière et les vaccins avec leur stratégie vaccinale.
Le confinement a rendu service. Il en rendra encore, limitant les contacts interhumains, et donc la contagiosité et la transmission inapparente (des sujets asymptomatiques) avec les préjudices déjà évoqués….Au jour d’aujourd’hui s’il reste utile, voire indispensable, ce ne peut être qu’une mesure d’aval temporaire destinée à pondérer une période critique dans certaines régions.
Les mesures barrière au long cours sont essentielles et bien suivies (presque très bien : le masque sous le nez ou accroché sous le menton, ou à l’oreille devient minoritaire dans les populations qui circulent). Là aussi, autant elles restent indispensables – et le resteront – tant que le degré de transmission virale n’aura pas été vraiment infléchi, autant il est difficile de s’envisager dans le futur avec ces seules possibilités. S’y associe le dispositif « Tester-Tracer-Isoler » efficace mais à rendre encore plus performant et qui a un coût humain et financier.
Restent les vaccins et les stratégies vaccinales : solution d’aval cruciale.
En un an, le développement de vaccins a abouti, reposant sur des technologies connues (au moins des laboratoires de recherche) qu’il s’agisse des vaccins ARN messager (ne pénétrant pas dans l’ADN du noyau de la cellule mais dans une partie de la machinerie du cytoplasme cellulaire : le ribosome) ou des vaccins vectoriels recombinants (adénovirus non replicatif donc non infectieux). Les études cliniques ont été faites dans les règles de l’art. Les contrôles de qualité des différentes étapes de fabrication ont été respectés – et le resteront. Des vaccins ont été enregistrés en Europe. Le grand public se pose la question du « alors, pourquoi pas plus tôt ? » et « pourquoi ces vaccins, restant du domaine de la recherche étaient si peu connus ? » Il faut laisser du temps au temps qui ne peut être compressé indéfiniment. Une autre obstacle a, lui, été bien réel : l’argent accordé à la recherche scientifique puis à la chaine de fabrication manquait ! Cette pandémie flamboyante et ses conséquences sanitaire et sociale ont conduit à une libération massive de moyens humains et …. financiers à hauteur de plusieurs (une quinzaine) milliards de dollars / euros dans le monde. Rien de tel pour faire avancer la recherche fondamentale puis l’application de celle-ci, de la fabrication à la production, pour le bénéfice de tous.
La sécurité vaccinale a toujours été et reste au premier plan. La vigilance est en alerte quotidienne, nationale, européenne, et internationale depuis le début de leur administration.
La « balance bénéfice/ risque », individuelle et en population, est très positive pour tous les vaccins enregistrés par l’Europe à l’heure actuelle. Toutes les instances sont et restent d’accord pour l’affirmer sans réserve. La protection individuelle vis-à-vis du SARS-Cov2 et de ses manifestations cliniques est sans commune mesure avec leur risque.
Leur efficacité « en vraie vie » sur les populations vaccinées est largement démontrée sur les formes symptomatiques et les formes sévères, avec résultats publiés (revues avec comité de lecture), pour les vaccins ARNm (Pfizer et Moderna) en Israël dans toutes les tranches d’âge et aux Etats-Unis chez les professionnels de santé, pour le vaccin adénovirus vectoriel non replicatif Astra-Zeneca-Oxford en Grande-Bretagne.
On ne voit pas comment une efficacité sur la transmission de ce virus pourrait ne pas exister alors que non seulement le nombre de sujets malades (à forte charge virale nasale) a dramatiquement baissé dans les populations vaccinées et que les derniers résultats publiés en Israël et aux Etats-Unis montrent une réduction drastique de positivité des tests RT-PCR nasopharyngés dans des cohortes de professionnels de santé suivis et testés après vaccination complète. Confirmer ce point important repose sur des taux de couverture vaccinale notables en population générale ! Mais, déjà, en Ecosse, la transmission s’avère réduite dans les maisonnées des professionnels de santé vaccinés.
La mise à disposition (autorisation de mise sur le marché européenne) de quatre vaccins en Europe, à ce jour, est bien sur une étape décisive. Il existe encore des verrous de production notables. L’Europe dans son ensemble (par mesure de solidarité entre les 27 états membres) semble avoir privilégié une « approche de consommateur », avec des négociations financières à la fois retardées dans le temps de quelques semaines (par rapport aux Etats-Unis, la Grande-Bretagne, Israël) et soucieuses des prix proposés par doses (autre préoccupation que les trois pays cités, n’ont pas retenu, dans une « approche business » investissant lourdement dans la recherche et le développement des vaccins, et tenant compte à court, moyen et long terme, des bénéfices incontestables – économiques entre autres – à freiner dès que possible cette pandémie historique).
Il en découle des difficultés d’approvisionnement sur l’Europe entière et donc de couverture vaccinale. La montée en puissance est progressive, et devrait s’accélérer dans les prochaines semaines.
En conclusion, les éléments clefs pour notre réussite commune repose, certes, sur un approvisionnement progressif accéléré, la mise à disposition logistique des vaccins sur l’ensemble du territoire mais aussi et avant tout sur la volonté humaine collective et individuelle. L’action conjointe des mesures barrière, du dispositif renforcé de dépistage et surtout de la vaccination à large échelle est notre meilleur atout ! Notre sortie de crise sanitaire, économique et sociale en dépend.